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dimanche 14 juin 2020

La mort de l'Homme

Un superbe texte de Saint-Exupéry trouvé par l'intermédiaire de La Lime .
Toute ressemblance avec notre  époque est complètement fondée .

Lettre au Général X


Je viens de faire quelques vols sur « P-38 ». C’est une belle machine. J’aurais été heureux de disposer de ce cadeau-là pour mes vingt ans. Je constate avec mélancolie qu’aujourd’hui, à quarante-trois ans, après quelque six mille cinq cents heures de vol sous tous les ciels du monde, je ne puis plus trouver grand plaisir à ce jeu-là. Ce n’est plus qu’un instrument de déplacement – ici, de guerre. Si je me soumets à la vitesse et à l’altitude à un âge patriarcal pour ce métier, c’est bien plus pour ne rien refuser des emmerdements de ma génération que dans l’espoir de retrouver les satisfactions d’autrefois.
Ceci est peut-être mélancolique, mais peut-être bien ne l’est pas. C’est sans doute quand j’avais vingt ans que je me trompais. En octobre 1940, de retour d’Afrique du Nord où le groupe 2-33 avait émigré, ma voiture étant remisée, exsangue, dans quelque garage poussiéreux, j’ai découvert la carriole et le cheval. Par elle, l’herbe des chemins. Les moutons et les oliviers. Ces oliviers avaient un autre rôle que celui de battre la mesure derrière les vitres à cent trente kilomètres à l’heure. Ils se montraient dans leur rythme vrai qui est de lentement fabriquer des olives. Les moutons n’avaient pas pour fin exclusive de faire tomber la moyenne. Ils redevenaient vivants. Ils faisaient de vraies crottes et fabriquaient de la vraie laine. Et l’herbe aussi avait un sens puisqu’ils la broutaient. 



Et je me suis senti revivre dans ce seul coin du monde où la poussière soit parfumée (je suis injuste, elle l’est en Grèce aussi comme en Provence). Et il m’a semblé que, durant toute ma vie, j’avais été un imbécile...

Tout cela pour vous expliquer que cette existence grégaire au cœur d’une base américaine, ces repas expédiés debout en dix minutes, ce va-et-vient entre les monoplaces de 2 600 CV dans une sorte de bâtisse abstraite où nous sommes entassés à trois par chambre, ce terrible désert humain, en un mot, n’a rien qui me caresse le cœur. Ça aussi, comme les missions sans profit ou espoir de retour de juin 1940, c’est une maladie à passer. Je suis « malade » pour un temps inconnu. Mais je ne me reconnais pas le droit de ne pas subir cette maladie. Voilà tout. Aujourd’hui, je suis profondément triste – et en profondeur. Je suis triste pour ma génération qui est vide de toute substance humaine. Qui, n’ayant connu que le bar, les mathématiques et les Bugatti comme forme de vie spirituelle, se trouve aujourd’hui dans une action strictement grégaire qui n’a plus aucune couleur. On ne sait pas le remarquer. Prenez le phénomène militaire d’il y a cent ans. Considérez combien il intégrait d’efforts pour qu’il fût répondu à la vie spirituelle, poétique ou simplement humaine de l’homme. Aujourd’hui que nous sommes plus desséchés que des briques, nous sourions de ces niaiseries. Les costumes, les drapeaux, les chants, la musique, les victoires (il n’est pas de victoire aujourd’hui, rien qui ait la densité poétique d’un Austerlitz. Il n’est que des phénomènes de digestion lente ou rapide), tout lyrisme sonne ridicule et les hommes refusent d’être réveillés à une vie spirituelle quelconque. Ils font honnêtement une sorte de travail à la chaîne. Comme dit la jeunesse américaine : « Nous acceptons honnêtement ce job ingrat »et la propagande, dans le monde entier, se bat les flancs avec désespoir. Sa maladie n’est point d’absence de talents particuliers, mais de l’interdiction qui lui est faite de s’appuyer, sans paraître pompière, sur les grands mythes rafraîchissants. De la tragédie grecque, l’humanité, dans sa décadence, est tombée jusqu’au théâtre de M. Louis Verneuil (on ne peut guère aller plus loin). Siècle de la publicité, du système Bedeau, des régimes totalitaires et des armées sans clairons ni drapeaux ni messe pour les morts. Je hais mon époque de toutes mes forces. L’homme y meurt de soif.



Ah ! Général, il n’y a qu’un problème, un seul de par le monde. Rendre aux hommes une signification spirituelle, des inquiétudes spirituelles. Faire pleuvoir sur eux quelque chose qui ressemble à un chant grégorien. Si j’avais la foi, il est bien certain que, passé cette époque de « job nécessaire et ingrat », je ne supporterais plus que Solesmes. On ne peut plus vivre de frigidaires, de politique, de bilans et de mots croisés, voyez-vous ! On ne peut plus. On ne peut plus vivre sans poésie, couleur ni amour. Rien qu’à entendre un chant villageois du XVe siècle, on mesure la pente descendue. Il ne reste rien que la voix du robot de la propagande (pardonnez-moi). Deux milliards d’hommes n’entendent plus que le robot, ne comprennent plus que le robot, se font robots. Tous les craquements des trente dernières années n’ont que deux sources : les impasses du système économique du XIXe siècle, le désespoir spirituel. Pourquoi Mermoz a-t-il suivi son grand dadais de colonel sinon par soif ? Pourquoi la Russie ? Pourquoi l’Espagne ? Les hommes ont fait l’essai des valeurs cartésiennes : hors les sciences de la nature, ça ne leur a guère réussi. Il n’y a qu’un problème, un seul : redécouvrir qu’il est une vie de l’esprit plus haute encore que la vie de l’intelligence, la seule qui satisfasse l’homme. Ça déborde le problème de la vie religieuse qui n’en est qu’une forme (bien que peut-être la vie de l’esprit conduise à l’autre nécessairement). Et la vie de l’esprit commence là où un être « un » est conçu au-dessus des matériaux qui le composent. L’amour de la maison – cet amour inconnaissable aux États-Unis – est déjà de la vie de l’esprit.

Et la fête villageoise et le culte des morts (je cite ça, car il s’est tué depuis mon arrivée ici deux ou trois parachutistes, mais on les a escamotés : ils avaient fini de servir). Cela c’est de l’époque, non de l’Amérique : l’homme n’a plus de sens.

Il faut absolument parler aux hommes.

À quoi servira de gagner la guerre si nous en avons pour cent ans de crise d’épilepsie révolutionnaire ? Quand la question allemande sera enfin réglée, tous les problèmes véritables commenceront à se poser. Il est peu probable que la spéculation sur les stocks américains suffise, au sortir de cette guerre, à distraire, comme en 1919, l’humanité de ses soucis véritables. Faute d’un courant spirituel fort, il poussera, comme champignons, trente-six sectes qui se diviseront les unes les autres. Le marxisme lui-même, trop vieillot, se décomposera en une multitude de néo-marxismes contradictoires. On l’a bien observé en Espagne. À moins qu’un César français ne nous installe dans un camp de concentration néo-socialiste pour l’éternité.

Ah ! quel étrange soir ce soir, quel étrange climat. Je vois de ma chambre s’allumer les fenêtres de ces bâtisses sans visage. J’entends les postes de radio divers débiter leur musique de mirliton à cette foule désœuvrée venue d’au-delà des mers et qui ne connaît même pas la nostalgie.

On peut confondre cette acceptation résignée avec l’esprit de sacrifice ou la grandeur morale. Ce serait là une belle erreur. Les liens d’amour qui nouent l’homme d’aujourd’hui aux êtres comme aux choses sont si peu tendus, si peu denses que l’homme ne sent plus l’absence comme autrefois. C’est le mot terrible de cette histoire juive : « Tu vas donc là-bas ? Comme tu seras loin ! – Loin d’où ? » Le « où » qu’ils ont quitté n’était plus guère qu’un vaste faisceau d’habitudes. En cette époque de divorce, on divorce avec la même facilité d’avec les choses. Les frigidaires sont interchangeables. Et la maison aussi si elle n’est qu’un assemblage. Et la femme. Et la religion. Et le parti. On ne peut même pas être infidèle : à quoi serait-on infidèle ? Loin d’où et infidèle à quoi ? Désert de l’homme.

Qu’ils sont donc sages et paisibles, ces hommes en groupe. Moi, je songe aux marins bretons d’autrefois, qui débarquaient à Magellan, à la Légion étrangère, lâchés sur une ville, à ces nœuds complexes d’appétits violents et de nostalgie intolérable qu’ont toujours constitués les mâles un peu trop sévèrement parqués. Il fallait toujours, pour les tenir, des gendarmes forts ou des principes forts ou des fois fortes. Mais aucun de ceux-là ne manquerait de respect à une gardeuse d’oies. L’homme d’aujourd’hui, on le fait tenir tranquille, selon le milieu, avec la belote ou avec le bridge. Nous sommes étonnamment bien châtrés. Ainsi sommes-nous enfin libres. On nous a coupé les bras et les jambes, puis on nous a laissés libres de marcher. Mais je hais cette époque où l’homme devient, sous un totalitarisme universel, bétail doux, poli et tranquille. On nous fait prendre ça pour un progrès moral ! Ce que je hais dans le marxisme, c’est le totalitarisme à quoi il conduit. L’homme y est défini comme producteur et consommateur, le problème essentiel est celui de distribution. Ainsi dans les fermes modèles. Ce que je hais dans le nazisme, c’est le totalitarisme à quoi il prétend par son essence même. On fait défiler les ouvriers de la Ruhr devant un Van Gogh, un Cézanne et un chromo. Ils votent naturellement pour le chromo. Voilà la vérité du peuple ! On boucle solidement dans un camp de concentration les candidats Cézanne, les candidats Van Gogh, tous les grands non-conformistes, et l’on alimente en chromos un bétail soumis. Mais où vont les États-Unis et où allons-nous, nous aussi, à cette époque de fonctionnariat universel ? L’homme robot, l’homme termite, l’homme oscillant du travail à la chaîne : système Bedeau, à la belote. L’homme châtré de tout son pouvoir créateur et qui ne sait même plus, du fond de son village, créer une danse ni une chanson. L’homme que l’on alimente en culture de confection, en culture standard comme on alimente les bœufs en foin. C’est cela, l’homme d’aujourd’hui.

Et moi, je pense que, il n’y a pas trois cents ans, on pouvait écrire La Princesse de Clèves ou s’enfermer dans un couvent pour la vie à cause d’un amour perdu, tant était brûlant l’amour. Aujourd’hui, bien sûr, des gens se suicident. Mais la souffrance de ceux-là est de l’ordre d’une rage de dents. Intolérable. Ça n’a point à faire avec l’amour.

Certes, il est une première étape. Je ne puis supporter l’idée de verser des générations d’enfants français dans le ventre du Moloch allemand. La substance même est menacée. Mais, quand elle sera sauvée, alors se posera le problème fondamental qui est celui de notre temps. Qui est celui du sens de l’homme, et il n’est point proposé de réponse et j’ai l’impression de marcher vers les temps les plus noirs du monde. 



Ça m’est bien égal d’être tué en guerre. De ce que j’ai aimé, que restera-t-il ? Autant que des êtres, je parle des coutumes, des intonations irremplaçables, d’une certaine lumière spirituelle. Du déjeuner dans la ferme provençale sous les oliviers, mais aussi de Haendel. Les choses, je m’en fous, qui subsisteront. Ce qui vaut, c’est certain arrangement des choses. La civilisation est un bien invisible puisqu’elle porte non sur les choses, mais sur les invisibles liens qui les nouent l’une à l’autre, ainsi et non autrement. Nous aurons de parfaits instruments à musique distribués en grande série, mais où sera le musicien ? Si je suis tué en guerre, je m’en moque bien. Ou si je subis une crise de rage de ces sortes de torpilles volantes qui n’ont plus rien à voir avec le vol et font du pilote parmi ses boutons et ses cadrans une sorte de chef comptable (le vol aussi, c’est un certain ordre de liens). Mais, si je rentre vivant de ce « job nécessaire et ingrat », il ne se posera pour moi qu’un problème : que peut-on, que faut-il dire aux hommes ?

Je sais de moins en moins pourquoi je vous raconte tout ceci. Sans doute pour le dire à quelqu’un, car ce n’est point ce que j’ai le droit de raconter. Il faut favoriser la paix des autres et ne pas embrouiller les problèmes. Pour l’instant, il est bien que nous nous fassions chefs comptables à bord de nos avions de guerre.

Depuis le temps que j’écris, deux camarades se sont endormis devant moi dans ma chambre. Il va me falloir me coucher aussi, car je suppose que ma lumière les gêne (ça me manque bien, un coin à moi !). Ces deux camarades, dans leur genre, sont merveilleux. C’est droit, c’est noble, c’est propre, c’est fidèle. Et je ne sais pourquoi j’éprouve, à les regarder dormir ainsi, une sorte de pitié impuissante. Car, s’ils ignorent leur propre inquiétude, je la sens bien. Droits, nobles, propres, fidèles, oui, mais aussi terriblement pauvres. Ils auraient tant besoin d’un dieu. Pardonnez-moi si cette mauvaise lampe électrique que je vais éteindre vous a aussi empêché de dormir et croyez en mon amitié.

Lettre écrite à La Marsa, près de Tunis, en juillet 1943.
Parue dans Le Figaro littéraire, no 103, 10 avril 1948.
Recueillie dans Un sens à la vie, Gallimard, 1956.

15 commentaires:

  1. C'est sans doute une erreur de Saint-Ex, que son éditeur n'a pas daigné corriger, apparemment : s'agit en fait du "système Bedaux" et non du "système Bedeau" :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Bedaux
    La lettre avait déjà été évoquée chez PMO :
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=903

    Dans sa trilogie "After such knowledge", James Blish tentait de répondre à cette question : "Is the desire for knowledge, let alone the use of it, a misuse of the mind ? Perhaps even actively evil ?"
    Sa réponse ne saurait plaire aux ceusses qui, abusivement, se prétendent "progressistes" -- et à bien d'autres aussi, d'ailleurs. Elle a le mérite d'anéantir par avance ce terrible constat : la détresse de l'absence de détresse, comme disait un Boche métaphysicien.
    Epoque de (autocensuré) où "the mass of men lead lives of quiet desperation" (c'est la seule phrase à retenir de Thoreau le menteur, mais elle est fort juste).

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    1. Il y a un passage de la Genèse qui m'a toujours étonné, voire choqué, c'est celui où le Serpent propose à l'Homme la connaissance et que Dieu Chasse l'Homme et punit le Serpent pour cela.
      C'est très étonnant de créer un être intelligent si la consigne est justement de ne pas se servir de son intelligence et que cet acte qui est du niveau organique est considéré comme une offense.
      Rétrospectivement, la longue période d'un peu plus de mille ans où la technique n'a pas ou peu évolué nous parait comme un âge d'or, ce qu'il n'était assurément pas, mais il y avait une certaine pérennité.
      Une pérennité dans le bonheur, peut-être, mais dans le malheur, certainement. "La sorcière" de Michelet est très intéressant de ce point de vue.
      En fait ce qui nous choque et que Saint-Ex n'évoque qu'à mots couverts, indirectement, c'est l'irruption assez brutale du mercantilisme lié à l'éclosion de l'ère industrielle . Un mercantilisme vain, qui occupe toutes les sphères de la société. Il suffit pour s'en convaincre d'écouter un quart d'heure de radio ou de regarder la TV pendant le même temps ou de se taper un discours de Juju pour s'en convaincre.
      Au début on croit n'acheter et ne vendre que des objets et des services et quand il est trop tard on s'aperçoit que nous sommes l'objet de ce commerce.

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    2. je dis mille ans mais j'aurais pu tout aussi bien écrire 8000 ans

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  2. Dit autrement :

    Nous voulons retourner dans l'ancienne demeure
    Où nos pères vivaient sous l'aile d'un archange,
    Nous voulons retrouver cette morale étrange
    Qui sanctifiait la vie jusqu'à la dernière heure.

    Nous voulons quelque chose comme une fidélité,
    Comme un enlacement de douces dépendances,
    Quelque chose qui dépasse et contienne l'existence.
    Nous ne pouvons plus vivre loin de l'éternité.

    Michel Houellebecq

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    1. C'est très beau, je me rends compte de mes lacunes

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  3. C'est plus inquiétant qu'autre chose, si ça se présentait déjà comme ça en 1943.
    Mais la spiritualité a mis des millénaires (voire des dizaines...) à se constituer et était un remède aux difficultés de l'existence et un soutien pour la société.
    Le monde moderne peut soit se consumer dans un délire techno-mercantiliste soit trouver de nouveaux équilibres "spirituels", mais ça prendra du temps et c'est justement ce qui manque quand on vénère la vitesse et la performance.
    Mais le "temps jadis" ne reviendra pas, désolé pour les traditionalistes.

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    1. ça pourrait revenir après un cataclysme qui nous exterminerait presque tous, mais ça, à part quelques écolos extrémistes, qui le souhaite ?

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    2. @Paul-Emic : Périsse le monde si l'Occident doit disparaître : quelle différence entre les ténèbres et le néant ? ;-)

      Supra : à suivre le texte latin de la Genèse, III, 5, la promesse du serpent, c'est avant tout la claire distinction entre le bien et le mal, entre ce qui convient et ce qui ne convient pas ("eritis sicut Deus scientes bonum et malum"). Ce n'est pas l'exercice de l'intelligence (inter legere) gratuite ou appliquée -- rien ne permet d'évoquer la science, la philosophie, la technique. Sauf erreur, c'est le jugement moral qui est en jeu, et non les facultés intellectuelles.
      La réaction du tétragramme se comprend : non seulement le tyran, bienveillant ou non, ne supporte pas la désobéissance à ses ordres, mais encore il ne tolère pas l'idée de n'être plus indispensable -- si l'homme est capable, comme un dieu, de distinguer seul le bien du mal, pourquoi irait-il encore obéir ?
      Dans ses *Argonautiques*, Appolonius de Rhodes observait finement que les oracles étaient toujours délibérément obscurs, pour que les hommes ne puissent se passer des divinités.
      Les livres de Tresmontant (et de quelques autres) vous tiendront évidemment un autre discours, plus autorisé : pour ma part, sur ces sujets, je ne suis pas une référence, n'étant ni un intellectuel ni un théologien. Au reste, je hais l'idée d'obéir : "je hais si fort le despotisme que je ne puis souffrir le mot *ordonnance* du médecin". ;-)
      Le monde semble avoir été vivable (je n'ai pas dit : parfait) jusqu'au XIXe. C'est la disparition des limites qui produit le délire, la sortie hors du sillon de la droite raison. Pour ne prendre qu'un exemple : les ingénieurs de l'Antiquité ont accompli quelques prodiges, sans y attacher une importance excessive (c'est à peine si nous avons quelques noms, et pas même des plans). C'était très bien comme ça.

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    3. A coup sûr le monde périra sans l'Occident.
      Connaissance du bien et du mal, je suis d'accord, d'ailleurs c'est précisé en Gen II,15.
      Mais connaître la différence entre le bien et le mal n'est-ce pas avoir la connaissance dans un sens plus général ? Avant la pomme, Adam et Eve étaient glandeurs au Jardin d'Eden, l'intelligence ne leur servait à rien. Après, ils ont eu besoin de l'utiliser pour survivre, soit qu'elle se soit réveillée, soit qu'elle ait été acquise par cet acte.

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    4. Morale et intelligence, esprit de finesse et esprit de géométrie : on peut avoir la première sans la seconde, le premier sans le second.
      Combien de gens qui, ayant des yeux et une cervelle, négligent de s'en servir, faute d'en avoir réellement l'utilité dans la conduite de la vie ? ;-) Cassandre vit-elle mieux de savoir analyser les situations ?
      Je crois avoir jadis cité chez Pharamond une remarquable nouvelle de Simak sur l'utilité très relative de l'intelligence, "Une chasse dangereuse", "The world that couldn't be" :
      http://www.loyalbooks.com/download/text/World-That-Couldnt-Be.txt
      Vous le savez sans doute, nous avons les journaux d'Eve et d'Adam, grâce à Mark Twain. Les questions intellectuelles ne semblaient pas être primordiales :
      https://en.wikisource.org/wiki/Eve%27s_Diary
      https://en.wikisource.org/wiki/Extracts_from_Adam%27s_Diary
      C. S. Lewis a donné sa version, légèrement hérétique mais remarquable, de la Genèse dans *Perelandra* (*Voyage à Vénus*) :
      www.samizdat.qc.ca/arts/lit/PDFs/Perelandra_CSL.pdf
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Perelandra
      C'est de la fiction : le Bien l'emporte. ;-)

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    5. j'ai un peu ramé, sans doute que hier j'étais dans un état d’innocence donc sans intelligence et puis un retour aux sources m'a montré que je n'avais pas eu la berlue Gen III -6 "La Femme vit que l'arbre était bon à manger [...] et qu'il était précieux pour ouvrir l'intelligence [...]".
      Selon ces textes auxquels on prêtera où non de l'intérêt, mais c'est de là que je suis parti, acquérir la connaissance du bien et du mal, c'est aussi acquérir de l'intelligence. Ce qui est important c'est la conjonction de coordination, "le bien ET le mal" parce comparer et faire la différence, cela nécessite du discernement et une capacité d'analyse, donc l'usage de l'intelligence. En deçà de ce stade, c'est le domaine de l'innocence où ne règnent que le Bien et l'instinct.

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    6. Ouvrir les yeux pour distinguer soudain, une fois tombées les écailles, le bien du mal, le blanc du noir, le salé du sucré, le kron du macroniste (c'est pour rire) ne rend personne capable de résoudre des problèmes intellectuels complexes : le saut de la morale (qui n'est même pas la doxa) au savoir (épistémè) est pour le moins acrobatique, de l'évident simple bon sens à la connaissance discursive. Sauf à parler en jésuite.
      A preuve, l'existence du sociopathe qui se contrefiche de la distinction entre "bien" et "mal" sans pour autant cesser d'avoir un cerveau pour nuire.
      Quant à la logique du vieux texte des déserts... "sicut dii", "commes *des* dieu*x*", c'est aussi cohérent que l'alcoran parfait mais dont certains versets sont abrogés par les suivants, comme si la perfection pouvait changer d'avis. On attendrait "sicut deus".
      Incidemment, dans Gen. III, 6, "intelligence", c'est le choix de Segond et de deux ou trois autres. Apparemment, en majorité, c'est la version "wise" qui l'emporte : "sagesse" -- ce qui est déjà plus raisonnable.
      Yep, je sais parfaitement que les traductions plus récentes en néo-français comme en engliche tordent plus le texte, mais ici comme pour d'autres sujets, je préfère accorder ma confiance aux versions les plus anciennes (et j'ignore l'hébreu qui seul fait autorité). Au reste, je peux avoir oublié mon latin, mais je ne vois rien qui évoque l'intelligence dans la version de la Vulgate :
      "Vidit igitur mulier quod bonum esset lignum ad vescendum, et pulchrum oculis, aspectuque delectabile: et tulit de fructu illius, et comedit: deditque viro suo, qui comedit."
      Le sujet m'intéressant fort peu, je n'irai pas quérir mon bon vieux Gaffiot pour vérifier. ;-)
      Quand on s'inflige ces pages (fort bien faites), on a des surprises :
      https://studybible.info/compare/Genesis%203:6
      https://studybible.info/strongs/H7919
      Plusieurs versions évoquent la contemplation ou l'illumination, ce qui ne donne pas un doctorat en physique quantique -- sauf chez Meirieu.
      Et puis, de *mon* point de vue, il n'est pas sage d'exercer son intelligence (ou ce qui en tient lieu) sur, et de raisonner à partir d', un texte religieux. L'abbé Coignard était d'ailleurs de mon avis (pour d'autres raisons). ;-)

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  4. le sociopathe sait très bien faire la différence entre le bien et le mal mais a choisi le mal soit par choix théologique, soit plus probablement par opportunisme et soif de jouissance. Il n'est pas le seul dans son cas.

    Il est vrai que la mention de l’intelligence est d'un apport récent dans les bibles chrétiennes, ce qui ne veut pas dire faux ou rajouté, juste que la Vulgate ne contient pas ce verset .
    Les versions issues de la Vulgate n'en font pas mention, ça apparait avec les nouvelles traductions à partir de versions grecques et hébraïques, dès la bible Segond semble-t-il. J'ai également consulté deux Bibles juives et il est bien fait mention de l'intelligence, un mot לְהַשְׂכִּ֔יל qui est traduit par éducation, intelligence, sage etc.

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    1. Mea maxima culpa, my fork hat gefourchiert : je *pensais* psychopathe, j'ai *écrit* sociopathe.
      Le שׂכל de Gen III, 6 (mon second lien *supra*), semble caractériser la sagesse, si j'en crois les exemples et illustrations.
      La juxtalinéaire hébreu-anglais traduit להשׂכיל par "to make wise" (premier lien *supra*, qui mène à H7919) -- ce qui n'est pas : "to make clever".
      Même pour le grec, on est dans le registre de l'observation et de la contemplation. On peut observer longtemps la chute des pommes sans pour autant être Newton.
      Les variantes sont trop nombreuses et parfois incompatibles -- même en latin, on trouve "sicut deus" ou "sicut dii". Le texte en devient un prétexte à développement malin ou de Malin. Comme pour les études sur la chloroquine, suffit de choisir celle qu'on préfère. ;-)
      En tout cas, je vois que vous allez vous passionner pour les 694 pages serrées de l'*Introduction à la théologie chrétienne* de Tresmontant. ;-)

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    2. là ils traduisent pas intelligence
      http://www.sefarim.fr/
      la Femme jugea que [...] il était précieux pour l'intelligence"

      Chouraqaui qui fait du mot à mot dans sa bible écrit :
      "La femme voit que l’arbre est bien à manger, oui, appétissant pour les yeux, convoitable, l’arbre, pour rendre perspicace. Elle prend de son fruit et mange".
      C'est du charabia mais il y a le mot perspicace (Qui voit, saisit de façon pénétrante des choses difficiles) .
      Bref on n'en sortira pas :-)

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