Samedi soir sont passés au journal de France 2 une série de reportages sur les événements survenus en Ukraine qui m'ont laissé perplexe.
Je me croyais revenu aux reportages sur les combats contre Khadafi . Les visages étaient moins basanés le ciel était plus sombre, mais on retrouvait ce côté armée de Bourbaki. On voit cela aussi dans les scènes filmées du côté de la résistance à Bachar El Assad.
Bref ça ne faisait pas vrai.
On aurait dit une reconstitution ou une mise en scène tant les unités de temps de lieu et d'action chères au théâtre classique français étaient respectées.
Passons sur l'unité de temps et venons en à l'unité de lieu.
Une place de quelques mètres carré, où s’agglutinent quelques "combattant de la liberté" . Certains finiront miliciens, les autres prisonniers politiques, mais n'anticipons pas.
A gauche un arbre derrière lequel s'abritent quelques hommes vêtus de vêtements vaguement militaires, la tête protégée pour les uns par un casque ovoïde de milicien ou de soldat, pour les autres d'un casque de motard. juste à coté d'eux un corps face contre terre sur lequel on marche parfois.
Un peu plus loin un autre corps près d'un autre arbre.
Ils sont blottis derrière des boucliers probablement faits maison. Une protection bien illusoire contre une balle de fusil tirée à moins de 200 mètres.
Devant, à une trentaine de mètres une levée de terre ou une haie. On y distingue peut-être des corps. A droite on entrevoit un instant une infirmier ou quelqu'un qui porte un sweater blanc et qui dispense des soins.
Un peu plus loin encore un bâtiment qui surement présente un abri sûr contre les tirs sporadiques que l'on entend d'en face.
A gauche à une centaine de mètres, sur un espace plus ouvert de la place on distingue en fonction des mouvements de la caméra, des hommes dont certains sont plus ou moins courbés lorsqu'ils courent, d'autres semblent plus indifférents aux tirs.
Mais curieusement on ne voit que peu de gens contre le mur du bâtiment et notre petit groupe apparemment très exposé préfère rester là, à la vue des snipers supposés plutôt que de se déplacer.
Derrière, à droite, on entend des voix.
De temps en temps une voix en français traduit ce que disent les participants, dont curieusement, certains parlent en anglais. Ils font la révolution, mais ils la jouent aussi pour les infos de CNN et accessoirement les nôtres.
Une voix crie derrière nous "
allez y les gars il faut les ramener, on ne peut pas les laisser là, il faut les enterrer" (!) selon la voix off.
Les enterrer sur la place Maïdan ?
Un gars, accroupi sur la droite, vêtu vaguement comme un motard avec des bottes de caoutchouc s'élance courageusement vers l'avant se protégeant derrière deux scuta artisanaux
Notons qu'au delà de notre position sur l'avant il y a des "révolutionnaires" Cette action d'éclat et dangereuse n'a donc qu'une importance tactique et humanitaire très relative.
D'autre part on se demande bien qui a investi le gugusse derrière nous d'une autorité suffisante et légitime pour envoyer des gars au casse-pipe, sans qu'il ne bouge lui-même son gros cul.
Ce qui devait arriver arriva et juste
après que l'on entendit un coup de feu, notre héros s’effondre, mais il n'est pas mort et il bouge encore. Il rassemble ses forces pour protéger son corps d'un des deux scuta qu'il avait avec lui.
Un homme bondit de l'arrière de la caméra et progresse rapidement vers le blessé en zigzaguant . On se dit "
Encore un héros !", mais non, il manque de lui marcher dessus et continue sa progression vers la levée de terre ou le bâtiment, on ne sait pas. Les incertitudes de la guerre.
Finalement sur les vociférations de la voix du "chef" plusieurs hommes se portent vers le blessé, exposé aux tirs des snipers, du moins on le suppose, sans se protéger plus que ça. Même le cameraman se lève pour nous ouvrir le champ.
Finalement ramener un blessé de 80 kilos sous le feu de l'ennemi s'avère peu pratique et ils y vont à six, debout, décidant d'ignorer les tirs qui d'ailleurs n'auront pas lieu et c'est debout encore qu'ils ramèneront le blessé en le tirant par les bras !
J'étais bouche bée, vous l'imaginez bien ! tant d'héroisme et une telle bravade face au danger, ça émeut.
Quelques minutes, secondes , heures, plus tard, on ne sait pas ? surgit de la gauche et derrière la caméra, un homme portant une civière orange, le truc parfait pour attirer le regard d'un sniper pas encore complètement cuit par la vodka.
Il longe le mort, toujours présent, par l'extérieur gauche, le groupe d'hommes se protégeant frileusement derrière l'arbre et leurs boucliers, passe devant tout ce beau monde et devant l'arbre, c'est à dire si on en croit le scénario entre le sniper et le groupe et essaie de se faufiler, venant de l'avant entre l'arbre et un bouclier tenu par un des héros présents lequel obligeamment recule pour lui faire une petite place dans le champ de la caméra.
Pan ! il s'effondre à son tour pendant que le gars qui lui avait laissé la place s’égosille à hurler en anglais "
eeehh ! he is wounded ! médic ! medic !" Un code certainement entre lui et les infirmiers ukrainiens.
Surgit de
l'avant le medic tant attendu qui ausculte le blessé "
dont on ne sait s'il est encore en vie".
Deux blessés et deux morts sur 10 mètres carrés ça tombe dur sur la place Maïdan .
La scène se termine alors que le cameraman n'écoutant que son courage se dirige à gauche vers un homme blotti derrière l'arbre, derrière notre arbre, homme qui n'a même pas bougé un petit doigt quand le brancardier agonisait, du moins on le suppose, à vingt centimètres de son postérieur.
Il porte un casque et un masque chirurgical qu'il remonte bien pour ne pas être reconnu . Il réajuste son bouclier, à gauche, contre l'arbre pour se protéger des balles qui viennent plutôt de sa droite. D'ailleurs le cameraman, du coup doit être en pleine ligne de tir. Mais bon ! un sniper n'oserait pas faire ça !
Sur le bord gauche du bouclier on voit quelques hommes sur la place. Ils n'ont pas l'air plus affolés que ça.
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un drôle d'ange |