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vendredi 8 juillet 2011

AF 447 et la désorientation spatiale


L'AF 447 et la manœuvre réalisée par l'équipage au moment de l'accident qui a fait 228 victimes sont de plus en plus un sujet de malaise à Air France. Six mois avant le drame, le 6 novembre 2008, la compagnie française avait publié une note à destination de ses pilotes intitulée «Anomalies anémométriques» dont Le Figaro s'est procuré une copie. Celle-ci rappelle aux pilotes la conduite à adopter en cas de givrage des sondes Pitot qui mesurent la vitesse de l'appareil.
Le texte sonne comme une prémonition des conditions rencontrées par le vol AF 447 le 1er juin 2009. Il rappelle ainsi les circonstances de six incidents récents de Pitot: «zone de givrage prévue ou observée», «turbulence faible à modérée», «vol en haute altitude». Les conditions énumérées sont identiques à celles rencontrées par le vol Rio-Paris.

La chronologie des anomalies l'est également: «indications erronées» de vitesse, désengagement du pilote et de l'autopoussée des réacteurs et «annonce furtive ou persistante Stall», c'est-à-dire enclenchement de l'alarme de décrochage. La note rappelle alors aux équipages qu'en «cas de reprise de contrôle manuel de l'avion», il est nécessaire de «procéder par faibles corrections».
Cette directive n'a pas été suivie par le pilote d'Air France aux commandes cette nuit-là. Celui-ci a même fait le contraire puisqu'il a brutalement fait grimper l'appareil de 2500 pieds avec une prise d'altitude de 7000 pieds par minute et une inclinaison de 16 degrés.

À l'altitude de 37.000 pieds finalement atteinte, la moindre variation de vitesse de l'appareil peut entraîner un décrochage. Lorsque l'alarme de décrochage (Stall) a retenti dans le cockpit, le pilote a maintenu son ordre à cabrer, c'est-à-dire a tiré le manche, et entraîné le décrochage de l'appareil. Durant sa chute, le pilote qui avait des informations d'altitude valide et voyait cette dernière chuter, n'a pas appliqué une manœuvre de base: réduire l'incidence de l'avion (baisser son nez) en poussant sur le manche. Mise à part quelques manœuvres contraires fugaces, il a continué à tirer sur le manche jusqu'à l'impact.
Selon plusieurs sources concordantes à la tête de la compagnie, l'étude en cours des discussions dans le cockpit (le CVR) indiquerait que l'équipage n'a jamais réalisé que l'avion avait décroché et que ce décrochage était la cause de la chute de l'appareil à 180 km/h vers l'océan. Le commandant de bord qui était parti se reposer n'a jamais pu comprendre non plus ce qui s'est passé car il est arrivé en cours de route dans le cockpit.
La question épineuse à laquelle doivent aujourd'hui répondre les enquêteurs du BEA est celle de savoir pourquoi le pilote a commis cette grosse erreur et a persisté durant 3 minutes 30 malgré le retentissement de l'alarme de décrochage. «Si le pilote était persuadé que tout était faux, il ne croyait plus rien», plaide un pilote. Les enquêteurs devront ainsi dire si le comportement de l'avion et notamment les informations disponibles dans le cockpit ont entraîné une erreur d'appréciation de l'équipage ou si l'erreur incombe totalement aux pilotes. Pour l'instant, selon un cadre de l'entreprise, les investigations s'orienteraient notamment vers une analyse des dossiers professionnels de l'équipage pour déceler des failles dans la formation ou le parcours de ses pilotes.
L'analyse du pilote citée dans l'article du Figaro me semble être de bon sens. Quand tout s'envoie en l'air, que des alarmes résonnent partout dans le cockpit, pourquoi privilégier une information plus qu'une autre ?
Tout le monde est resté un jour ou l'autre bouche bée ne serait-ce que quelques instants devant le comportement apparemment erratique de son ordinateur ou de son appareil photo numérique.
J'ai connu plusieurs pilotes embarqués spécialisés en vol de nuit dans ma carrière et certains m'ont raconté comment ils étaient persuadés de voler de travers ou sur le dos quand tous les instruments leur disaient qu'ils volaient droit les ailes à plat . Ceci dans des conditions normales sauf qu'ils volaient de nuit sans références visuelles extérieures. Finalement ils ont réussi à se raisonner et décidé de faire confiance à leurs instruments. Alors imaginons la même chose mais là tous les instruments ou presque, soit sont arrêtés, soit donnent des informations contradictoires.
Le pilote a pu croire ses impressions mais quand bien même ils aurait voulu se raisonner, sur quoi s'appuyer avec certitude ?

2 commentaires:

  1. Luc Poilot9/7/11 14:31

    Il est toujours un peu facile de critiquer à posteriori et à froid.
    ce qui me choque, c'est que les pilotes aient continué à tirer sur le manche pendant 3mn30 alors que l'alarme décrochage sonnait. C'est trés trés long 3mn30, surtout en situation d'urgence. Difficile à comprendre qu'ils n'aient pas essayé autre chose puisque visiblement la manœuvre ne fonctionnait pas.
    Au plan technique il est aussi difficile de comprendre qu'il y ait aussi peu de redondance dans les instruments.

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  2. Je pense que l'on a encore que des informations parcellaires, de plus sur les avions comme l'airbus, toutes les informations n’étant visualisées que par écran, quand l'écran s'éteint il ne reste plus que les boites "noires" et les informations envoyées pendant le vol au contraire des anciens avions où l'on trouvait les cadrans et leurs aiguilles dans la position qu'ils avaient au moment de l'impact.
    Or tout n'a peut-être pas été interprété correctement.
    Aucun pilote au monde, même n'ayant fait que du simulateur ne continuerait à cabrer avec une alarme décrochage continue. Mais que leur disaient leurs écrans ? qu'ils montaient, qu'ils descendaient qu'ils étaient en survitesse ? rien ? Pour l'instant le BEA a émis quelques informations mais qui ne révèlent rien de bien concret sur l'ambiance à bord.
    Ce que l'on sait des messages automatiques envoyés par l'avion lui même c'est que la gouverne de profondeur était hors limites, que la pression cabine aurait baissé très rapidement, que tous les moyens informatiques de pilotage se sont brutalement déconnectés ...
    Donc attendons les révélations du BEA en espérant qu'ils ne veuillent pas enfoncer les pilotes pour sauvegarder le constructeur et l'exploitant.

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